Le Réel comme le Possible : la Psychothérapie comme Scénario (artículo en francés)

Résumé:

L’ article décrira l’ importance des premières séances/ rencontres psychothérapeutiques. Elle tiendra compte de l’épistémologie et la pratique systémique, particulièrement de la Narrative, de la notion de contagion émotionnelle- neurones miroirs, de la recherche en psychothérapie- alliance thérapeutique et théorie du changement du client-, et de la contribution de la psychologie positive et de la résilience, créant ainsi la possibilité de changements durables à partir d’un nouveau scénario qui utilisera aussi l’Anneau Auto- Réflechissant du Temps pour stabiliser la confiance et la perception de progrès malgré les avatars des circonstances dans l’évolution de la vie des êtres humains, des systèmes consultants.

« Le Réel comme le Possible : la Psychothérapie comme Scénario »

« Le problème n’ est pas d’ essayer d’ adapter la thérapie à une classification (diagnostique) particulière, mais de savoir quelles potentialités le patient vous révèle par rapport quant à sa capacité de faire ceci ou cela. » (Milton Erickson) 

« Une notion essentielle de la crise est l’ intermédiation de l’actuel et le virtuel, le possible ; il est question d’ invention, d’ imagination créative.»

Scène de la Séance: L’ importance de l’accueil

Les premières séances thérapeutiques sont fondamentales pour construire une équipe de travail optimiste qui vise à créer un contexte ouvert au changement, non psychopatologique, axé sur le changement, les ressources, les compétences, les solutions, les processus résilients. On doit tenir compte des caractéristiques du monde du client, travail, famille, loisirs, et aussi, s’il y a d’ autres intervenants, directement ou indirectement impliqués. C’est à dire l’ environnement plus large, plus complexe qui réagira à mes interventions, indépendamment de l’ efficacité ou de la satisfaction ou insatisfaction du client à propos de la thérapie.

Les clients se rendent compte très vite, à partir des premières questions, des premières réactions, des premiers échanges, ce que propose le thérapeute et à quoi s’ intéresse – t-il le plus : à ce qui manque, à ce qui a mal marché ou par contre, aux compétences et à la façon d’ aborder la suite de ce qui s’ est passé auparavant. À partir de ce moment là, le système client suit le mouvement. 

Patiens ou clients ?

« Les gens bien portant sont des malades qui s’ ignorent! »

(Jules Romains « Mr. Knock »)   

Comment se présentent- ils ces clients/ consultants de psychothérapie ? En géneral, comme des patients, mot d’ origine médical. Donc ils viennent pour être soignés. Si on va les soigner : est-ce qu’- ils malades? La psychologie fait partie de la santé mentale donc du monde de la maladie et de la guérison. Ces clients se présentent dans une attitude passive et la plainte accompagne ce commencement. Leur position selon un des axiomes de la communication de Watzlawick, est complementaire inférieure en relation à celle du thérapeute. Avec un scénario plus ou moins élaboré, presenté comme un fait accompli : «on est ici, avec ces syntômes-, dans cette situation parce que ceci ou cela, à cause de moi, d’ eux, de lui ou d’ elle, dans ces circonstances : ¿Que pouvez – vous faire à ce sujet à partir de là, docteur, pouvez vous me soigner, pouvez vous m’ expliquer, pouvez- vous m’ aider ?». On dirait le début d’ un film, d’un roman ou d’ une pièce de théâtre : à partir de ce fait, de cette communication, se déroulera l’ histoire. Ou non. Ou non parce que si j’écoute ce récit comme une version, comme un texte au lieu de le faire comme un fait accompli, ça veut dire qu’ il existe beaucoup d’ autres versions possibles. Donc, plutôt qu’ un nouveau scénario, en passant par une étape d’improvisation, de création qui n’en aura pas l’air, on peut aboutir à une adaptation, dans le sens d’un film, d’une pièce de théâtre qui est presque la même et pourtant, différente. Quand la source d’inspiration du scénario est une œuvre originale déjà publiée, on parle d’« adaptation ». Elle peut être un roman, un conte, ou créée sous forme de pièce de théâtre, de comédie musicale. Ou de séance thérapeutique. Pendant la séance, on tiendra compte des élements originaux, des faits et des personnages de la version présentée par le système consultant, voire d’autres collègues qui connaîtraient ces clients et nous en parleraient ou de n’ importe quel rapport ou dossier à leur sujet. Mais une fois la séance commencée, les patiens / clients n’ auront- heureusement- pas, d’ autre possibilité que de raconter ou plutôt, de se et de me raconter leur histoire, leur conflit ou malheurs, dans le cadre d’une conversation pendant laquelle certaines questions que je poserais, certaines infléxions de ma voix, expressions faciales, haut le corps, regards, indifférence ou interêt, libérerons, créerons de nouveaux sens. Ces nouvelles adaptations ou / et reconstitutions des mêmes faits qui, auparavant, n’ existaient pas, dorénavant, munies de nouveaux mots et de nouvelles interprétations possibles, feront partie du commencement d’ un possible nouveau récit/ scénario de vie.

Recherche en psychothérapie et Praxis de la Rencontre:

Puisque le 40 % des résultats positifs en psychothérapie, dépend des variables extrathérapeutiques (du client), facteurs qui appartiennent au client et à son entourage et qui contribuent au changement, selon les données de la recherche en psychothérapie (Lambert,1992), ce nouveau scénario, ou nouvelle adaptation ou reconstitution, devra être co- construite avec le système client dans le cadre de la Praxis de la Rencontre (1). C’ est à dire dans cette conversation inédite, singulière qui peut prendre racine et s’intégrer non seulement à la vie des clients, mais aussi, en conséquence, enrichir leur identité narrative, puisque notre identité est constituée, construite, inévitablement, par des récits. Elle est liée au possible, à ce que la réalité permet dans ce cas unique. Elle peut s’adapter au capital bio-psycho-social de chaque individu, á son degré de maturité ou d’immaturité, à son mode de fonctionnement, aux paroles que celui-ci utilise pour definir, présenter, expliquer sa vision. 

D’autre part, elle s’inscrit dans un temps et un espace donnés; á l’intérieur d’un processus de changement: ce qui peut se penser aujourd’hui ne pourra peut être plus se penser demain, et il est fort probable qu’hier encore on n’ était pas prêt á pouvoir l’imaginer. 

« La praxis de la rencontre est une co-création entre le thérapeute / médiateur et le système client: la succession d’interventions, la forme que ces dernières prennent, se construit en fonction des échanges; elles sont la conséquence et l’origine en même temps. »

Cela doit se passer dans une situation de respect et cordialité et depuis le début, en travaillant pour établir une solide Alliance Thérapeutique, responsable du 30 % de prédiction de la possibilité de réussite ou d’ échec (Alexander, Luborsky, 1986) dans le domaine des psychothérapies. 

Et n’ oublions pas le 15 % qui est produit par le Facteur Placebo, c’ est à dire, expectatives, améliorement produit comme résultat de que le client sait qu’ il suit un traitement psychothérapeutique et suppose que ça va lui faire du bien.

La théorie du changement du client ( Duncan, Hubble et Miller, 2003),

la façon du consultant / client d’ envisager son changement, de chercher les solutions à son problème et sa collaboration active, sont des facteurs essentiels du succès thérapeutique. 

Une fois le lien entre le thérapeute et le système consultant affermi, la construction d’ un nouveau récit, la création d’une histoire/ chimère en termes de Boris Cyrulnik (2008), qui permettra au client de récupérer sa dignité, devient possible, en conséquence, le processus de résilience démarre. 

Temporalité en Psychothérapie : circularité temporelle ou « Anneau Auto Réfléchissant du Temps »

Un aspect essentiel de cette approche, est le concept découvert par Milton Erickson dans son article de 1954, « Pseudo orientation temporelle comme procedé hipnotique » (Pseudo –orientation in time as a Hypnotic Procedure), repris par Steve de Shazer en 1980 avec sa « question du miracle » (1985, 1991) et developpé tout au long du livre de Boscolo et Bertrando, « Les Temps du Temps – Une nouvelle perspective pour la consultation et la thérapie systémique (1993) ». 

Erickson décrit l’hypnose non seulement comme une technique de regression au passé mais aussi, comme une orientation vers le futur dans laquelle elle suggère au client qu’ il a déjà obtenu les buts souhaités actuellement. De Shazer reprendra cette technique sans l’hypnose, à la recherche des solutions et en considérant les problèmes comme essentiellement situationnels et comme ancrés dans le langage. C’ est le client qui sera seul juge de ce qui constitue une solution et c´est aussi lui qui considérera que les choses vont suffisament bien pour que la thérapie s’arrête (1995). Ceci s’ articule avec la Théorie du Changement du Client (Duncan, Hubble et Miller, 1997), déja décrite. 

Le concept d’ « Anneau Autoréfléchissant du temps », de Boscolo et Bertrando, est particulièrement intéressant à ce sujet. 

Imaginez le mouvement d’une balançoire au ralenti qui va a la recherche du passé du présent en recherchant des images, de souvenirs qui renforceront , par exemple, des aspects positifs, pour revenir ensuite, inévitablement, et passer au présent du présent. Ceci me permettra d’ observer ce qui se passe en moi, dans mn image mentale, quel est le résultat, l’effet de ce retour stratégique narratif. Et, sans solution de continuité, le mouvement, toujours au ralenti, de cette balançoire, ira en avant, vers le présent du futur. Tout se passe, comme dans un film, pendant l’heure de la séance, et dans ces scènes prospectives, situées dans un futur possible, on co- construira un avenir tout à fait vraisemblable, stimulant, catalyseur d’actions proactives qui conduiront à l’ accomplissement de ces buts, de ces projets, de ces rêves. Ou, tout au moins, ce qui ne serait déjà pas mal, transformeront leur vision présente de leur passé et leur permettra d’ envisager leur défi du présent du présent et du futur immédiat, avec une attitude plus confiante et une meilleure estime de soi.

Ancrage, Contagion Emotionnelle Positive et Neurones Miroirs

Pour terminerl’ aspect d’ ancrage de ces récits est dans la technique des questions, des connotations positives entre autres, de mes réponses verbales et non verbales, jusqu’ à ce moment là, inédites. Cela élargira le champ du possible puisque les récits répondent à la pensée narrative, toujours ouverte à des nouvelles significations. 

On tiendra compte, aussi bien de l’observation minutieuse des réponses verbales et sourtout non verbales ou analogiques -signes d’assentiments par exemple- et de l’ expression d’ émotions ou de sentiments positifs d’ acceptation du nouveau récit. 

Les techniques de la narration orale, l’ action qui avance, les descriptions détaillées, sont importantes : l’écriture scénaristique, rappelons – nous, se démarque de l’ écriture littéraire , par sa présentation de faits visuels et auditifs, toujours au présent, et se rapproche en cela de l’écriture théâtrale. Un scénario est censé décrire ou suggérer ce qu’on verra et entendra dans un film. 

En plus des dialogues, le scénario contient aussi des descriptifs (les indications visuelles et auditives). Pendant les séances les descriptions des faits qui vont être accomplit ont un effet de suggestion très important. 

De même que l’ enthousiasme et l´état d’ âme du thérapeute sera un facteur essentiel : nous devons tenir compte de la contagion émotionnelle, du wi-fi cérébral, décrits par Daniel Goleman dans « L’ Intélligence Sociale » (2007), et de l’empathie ressentie à travers le système du réseau neural miroir, décrite par Giacomo Rizzolatti, Gallesse, Iacoboni et d’ autres, à partir de la découverte des neurones miroirs, grâce à laquelle, l’ effet de nos interventions peut être observé dans ce cerveau qui agit au moment que nous observons les actions d’ autrui. 

«Le groupe de recherche de l’ Institut de Neurophysiologie del’ université de Parme, dirigé par Rizzolatti a fiat ces le début des années 1990, une découverte très importante pour la compréhension des processus mentaux : celles des « neurones miroirs ». Ces neurones s’ activent quand des actions finalisées sont executées, mais aussi lorsque nous observons les mêmes actions exécutées par d’ autres…Les mêmes chaînes de neurones sont impliquées non seulement dans la reconnaissance de l’action de l’ autre, mais aussi dans son « pourquoi », c’ est à dire dans l’ intention qui l’a motivée. Ces processus …sont structurés sur la base de circuits qui font « comme si » il n’est pas possible de comprendre le sens et les intentions de l’autre dans ce qu’il fait, que si l’ on imite et reproduit dans notre corps son action (Rizzolatti & Sinigaglia, 2006). C’est ce processus que Gallese désigne comme une simultaton incarnée – embodied simultation-, (Gallese, 2005 et al. , 2006). 

Elle est à la base de phénomènes psychologiques et relationnels très important comme l’empathie l’ identification émotionnelle, avec l’ autre et la syntonisation affective. » (2).  

Ces aspects neuroscientifiques, constituent d’ autres piliers de cet approche thérapeutique qui vise à l´émergence de l’évolution, de l´épanouissement des possibilités de changements durables et des émotions positives des individus, couples, familles ou systèmes plus larges avec lesquelles nous interagissons.

En reprenant la phrase de Mr. Knock on pourrait dire que :

« La plupart du temps, nos patiens / clients sont des gens bien portant qui s’ ignorent » (Des Champs, 2010)

Buenos Aires, 28 Août 2011

Note de l’auteur

(*) Cet article est une version corrigée et amplifiée de l’ exposé de l’auteur au 7e Congrès d’ EFTA du 29, 30, 31 octobre 2010 à Paris. 

(**) Le Lic. Des Champs est psychologue, psychotérapeute individuel, de couple et de familles. Professeur universitaire à Buenos Aires, professeur associé à l’ IFATC, Lyon , France. Enseignant, fondateur et superviseur de ESA (École Systémique Argentine). Éditeur et directeur du journal Perspectivas Sistémicas ( Perspectives Systémiques) depuis 1988 jusqu’ à 2007. Directeur du site: www.redsistemica.ar

Bibliographie citée et publications en français de l’ auteur.

(1) Perrone Liliana, (2004) « Le Modèle groupal narratif en médiation familiale ».

(2) Onnis Luigi, (2010), « Les Voix intérieures de la famille. Mythes et fantasmes familiaux », Chapitre I du livre « Thérapie Familiale en Europe : inventions à cinq voix », Goldbeter-Merinfeld E., Linares J.L. , Onnis L., Romano E., Vanotti M., Editions de Boeck Université, Bruxelles, Belgique.

Des Champs Claude, « La Cour des Miracles de Rosario » – Un travail communautaire systémique axé sur la crise- dans « Auto-réference et thérapie familiale », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, nº 9, Novembre 1998.

Des Champs Claudio, « Pathologie de la Famille et Interventions thérapeutiques dans un environnement democratique : quels effets ? », Mai, 2006, Exposé de la 53ème Conférence Internationale du CIRCF (Commission Internationale des Relations du Couple et de la Famille ( « Famille et Democratie, Compatibilité , Incompatibilité Chance ou Défi », 7 -10 Juin, 2006). Ce travail a été publié dans le site et dans le cahier de l’ Exposition 2006 du CIRCF, en anglais et en français.

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *